Actualités - Droit des affaires



Une société absorbante peut être inquiétée pénalement pour des actes commis avant la fusion par la société absorbée

01/01/2021

« Aux termes de l’article 121-1 du Code pénal, nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

[…] Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ce principe, dont l’interprétation doit respecter l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, s’oppose à ce qu’à la suite d’une opération de fusion-absorption, la société absorbante soit poursuivie et condamnée pour des faits commis antérieurement à ladite opération par la société absorbée, dissoute par l’effet de la fusion (Crim., 20 juin 2000, pourvoi n° 99-86.742, Bull. crim. 2000, n° 237 ; Crim., 14 octobre 2003, pourvoi n° 02-86.376, Bull. crim. 2003, n° 189).

Cette interprétation de l’article 121-1 du Code pénal se fonde sur la considération que la fusion, qui entraîne la dissolution de la société absorbée, lui fait perdre sa personnalité juridique et entraîne l’extinction de l’action publique en application de l’article 6 du code de procédure pénale. La société absorbante, personne morale distincte, ne saurait en conséquence être poursuivie pour les faits commis par la société absorbée ».

Par cette interprétation, la Cour de cassation assimilait la situation d’une personne morale dissoute à celle d’une personne physique décédée.

Or,  comme le précise justement la Chambre criminelle, dans son arrêt, plus que détaillé et à vocation explicative : « […] la fusion-absorption, si elle emporte la dissolution de la société absorbée, n’entraîne pas sa liquidation. De même, le patrimoine de la société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les actionnaires de la première deviennent actionnaires de la seconde. […] Il en résulte que l’activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération. ».

Par conséquent et comme l’avait mis en exergue la Cour européenne des droits de l’homme, « la société absorbée n’est pas véritablement " autrui " à l’égard de la société absorbante » ; si bien que le prononcé d’une sanction à l’encontre d’une société absorbante, pour des actes commis avant la fusion par la société absorbée, ne porte pas atteinte au principe de personnalité des peines (CEDH, décision du 24 octobre 2019, Carrefour France c. France, n°37858/14).

La Cour de cassation retient ainsi que : « […] que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’oppose pas à ce que l’article 121-1 du Code pénal soit désormais interprété comme permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde avant l’opération de fusion-absorption ».

« À cet égard, il doit être considéré que l’existence d’une fraude à la loi permet au juge de prononcer une sanction pénale à l’encontre de la société absorbante lorsque l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale ».

Par cet arrêt lourd d’enseignements, la Chambre criminelle opère un revirement de jurisprudence, en conformité avec la législation de l’Union européenne.

Désormais, « en cas de fusion-absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive [fusion], la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération », mais seulement pour les fusions postérieures au 25 novembre 2020 (date de la présente décision).

Toutefois et comme le précise expressément la Chambre criminelle, « il doit être considéré que l’existence d’une fraude à la loi permet au juge de prononcer une sanction pénale à l’encontre de la société absorbante lorsque l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale. Cette possibilité est indépendante de la mise en œuvre de la directive du 9 octobre 1978, précitée ».

Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955


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