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DES SANCTIONS CONTRACTUELLES N'INTERDISENT PAS D'INVOQUER L'EXCEPTION D'INEXECUTION DE DROIT COMMUN

01/04/2019

La stipulation de pénalités conventionnelles en cas de retard de paiement de l'acheteur n'interdit pas au vendeur d'invoquer également l'exception d'inexécution à l'encontre de l'acheteur pour refuser de livrer le bien.

Une société achète un immeuble en état futur d'achèvement afin d'en faire des logements. L'immeuble n'est pas livré dans les délais prévus et l'acheteur agit contre le vendeur pour obtenir des indemnités. Le vendeur s'y oppose, soutenant avoir tardé à livrer le bien en raison du paiement tardif du solde du prix par l'acheteur, et il réclame le paiement des indemnités conventionnellement prévues dans ce cas.

Écartant ces arguments, une cour d'appel le condamne à indemniser l'acheteur du retard de livraison. Pour les juges du fond, la stipulation de pénalités contractuelles de retard à l'encontre de l'acheteur fait obstacle à ce que le vendeur lui oppose l'exception d'inexécution pour suspendre sa propre prestation.

La Cour de cassation censure la décision : la stipulation de sanctions à l'inexécution du contrat n'exclut pas la mise en œuvre des solutions issues du droit commun des obligations.

À noter : Dans un contrat synallagmatique, la partie qui n'a pas encore exécuté son obligation peut s'abstenir de le faire si son contractant n'a pas exécuté la sienne ou a refusé d'y procéder (Cass. req. 17-5-1938 : DH 1938.419 ; C. civ. art. 2019 nouveau), à condition de prouver cette inexécution. L'exception d'inexécution peut-elle être mise en œuvre lorsque l'inexécution dénoncée fait l'objet, conventionnellement, d'une réparation spécifique ?
Oui, juge ici la Cour de cassation, au visa des textes antérieurs à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des contrats. La solution trouve sa justification dans les principes de la force obligatoire du contrat et de la réparation intégrale du dommage ; en outre, il est traditionnellement considéré que, quelle que soit la mesure à laquelle le créancier de l'exécution a recours, il peut toujours demander, en outre, la réparation du préjudice que l'inexécution lui a causé. Cette solution est aujourd'hui très largement consacrée par les dispositions du Code civil issues de la réforme de 2016, notamment par l'article 1217, qui prévoit que les sanctions de l'inexécution contractuelle qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées, des dommages et intérêts pouvant toujours s'y ajouter.
Au cas présent, le moyen invitait la Haute Juridiction à juger que les sanctions conventionnelles n'excluent pas la mise en œuvre des remèdes de droit commun sauf « renonciation expresse et non équivoque » à s'en prévaloir. Or la Cour de cassation ne reprend pas cette réserve. Faut-il en déduire que la décision commentée, interdisant d'écarter conventionnellement les sanctions de droit commun, consacrerait leur caractère d'ordre public ? Une partie de la doctrine est en ce sens (voir B. Mercadal, « L'ordre public dans la réforme du droit des contrats » : BRDA 6/18 inf. 21), tandis que le rapport au Président de la République admettait au contraire la possibilité de déroger assez largement aux dispositions des articles 1217 et suivants du Code civil. Il appartiendra à la Cour de cassation de préciser si, et dans quelle mesure, les parties peuvent écarter ou aménager les remèdes légaux sanctionnant l'inexécution du contrat.

Cass. 3e civ. 14 février 2019 n° 17-31.665 FS-PBI, Sté Icade promotion tertiaire c/ R. ès. qual.


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